Une story instagram de son plat au restaurant avec un beau morceau de viande ou de poisson, quelques stories et posts d’un voyage lointain, une photo à une soirée où notre apparence est particulièrement soignée,…
A quel point la promotion de nos styles de vie occidentaux est-elle néfaste à l’échelle globale?
L’humain est une machine sociale, constamment en quête de valorisation auprès de ses proches, de recherche de statut social. Personne n’y échappe: pour se sentir bien et réussir, on a besoin des autres, et donc d’être aimé, ce pourquoi on doit se sentir valorisé selon les standards et les normes en vigueur.
Il se trouve que nous y arrivons bel et bien: les “likes” des réseaux sociaux en sont un bon indicateur. Mais qu’en est-il de l’influence que cela a? On pourrait la penser négligeable: “qui vais-je influencer en publiant une photo d’un bon plat au restaurant?”, “qui va prendre l’avion parce que je publie une photo depuis une plage à Bali?”. Pensez plutôt, “quelle story ai-je vu ce matin qui m’a donné envie”? Laquelle de mes connaissances partie à l’autre bout du monde m’a donné envie de faire pareil? “Et à quel point suis-je inconsciemment influencée par ce que je vois quotidiennement?” L’effet de simple exposition répond à cette dernière question, et peut même nous surprendre par sa puissance de frappe.
A chacun de nos posts ou stories, il ne s’agit pas uniquement de l’impact en valeur absolue que nous avons de par notre consommation, mais surtout des comportements que nous normalisons, que nous affichons comme étant “cools”, et qui ainsi seront perpétués au travers de la société via nos proches.
Si l’on sort un instant de cette vue micro (de “mon compte insta”), et qu’on regarde la normalisation de ces comportements de façon collective, on comprend que nous tous, occidentaux, valorisons le fait de voyager (souvent loin), que notre définition du succès se mesure à notre capacité à accumuler des ressources, et à les utiliser pour en “profiter” et s’offrir un niveau de confort maximum. Au plus vous montrez que vous réussissez tout cela, au plus vous gagnez en crédibilité.
L’occident, influence donc ainsi, par tous les gestes de sa société qui la compose, à la normalisation de consommation de viande, de poisson, de voyages lointains, de voitures toujours plus grosses — qu’elles soient électriques ou non — , etc… La majeure partie de notre influence part pourtant d’une intention simple et humaine, la gestion de notre réputation. Consommerions-nous de la même manière sans le montrer, quel impact cela aurait-il sur les autres?
Aujourd’hui, nous vendons un style de vie qui doit paraitre toujours plus magnifique et parfait. Nous sommes en ce sens autant des coupables par notre consomation que des victimes des normes et de notre besoin de statut. Il est vrai que nous désirons parfois également simplement partager la beauté de ce que nous avons et voyons, mais il est important de se demander l’impact que ça peut avoir.
Ce “rêve” — comme l’a été le “rêve américain” pour les générations passées — se construit sur des ressources, qui elles-mêmes de par leur extraction, nuisent à la vie de nombreuses populations, de façon directe et indirecte. Cela nous conduit dans une impossibilité.
Nous vivons dans un confort malheureusement insoutenable, basé sur une destruction (souvent masquée) de l’environnement (sur le court et long terme) et du droit à la vie de certaines populations. Notre inconscience collective quant à notre impact et notre influence nous mène cependant à catégoriquement refuser l’accès à ces populations lorsqu’elles ne peuvent plus subvenir à leurs propres besoins et décident d’émigrer.
En effet, tant que nous consommerons chacun plus d’une planète par an, nous priverons quelqu’un ici ou ailleurs, aujourd’hui ou demain, d’un certain droit à la vie, ce qui causera toujours plus d’immigration. Souvent à notre insu, la note s’accumule et est chaque jour plus salée. Toutes les tonnes de CO2 émises lors de notre vie, les pesticides utilisés qui auront détruit la biodiversité et les comportements que nous aurons plébiscités auront conduit à une immigration massive et une diminution de la qualité de vie pour tous. Simplement dire que c’est “de notre faute” est certainement réducteur et fallacieux. Cependant, bien que souvent à notre insu, nous y avons contribué, et si nous ne faisons aujourd’hui rien pour améliorer la situation et atténuer les changements de l’environnement, il ne sera que normal que nous devions nous faire pardonner en partageant nos maisons, nos ressources et notre nourriture, en devenant des puits de carbone et des protecteurs du vivant, pour laisser la nature — nous y compris — faire ce qu’elle fait de mieux depuis des millions d’années, nous protéger… Le rôle de l’humain dans cette nature est donc à redéfinir.
Il va sans dire que de nombreuses personnes agissent pourtant pour aider les immigrants et que de nombreux élans d’entre-aide, de solidarité et de coopération voient le jour à chaque instant. Ces personnes sont absolument nécessaires, mais nous devons aujourd’hui prendre le problème à la racine.
Quelles sont les meilleures choses que nous pouvons faire pour l’immigration?
Prévoir des vêtements, de la nourriture, de l’argent et fournir un toit? Mais à quel point cela sera-t-il utile tant que nous continuerons à rendre leur environnement invivable en prenant l’avion et en consommant (i.e. en polluant) de façon excessive? Tant que nous ne consommerons pas local et végétarien (et surtout sans pesticides), tant que nous consommerons des énergies fossiles qui nourrissent les conflits des régimes comme celui de la Russie, tant que nous promouvrons et normaliserons des comportements de “rêve” insoutenables qui ne devraient pas exister, à quel point les petits sparadraps que certains se démènent à mettre sur ces blessures seront-ils utiles alors que nous continuons collectivement à taper à la hache en même temps?
Redéfinissons les comportements vertueux comme étant “cool” et alignons-nous sur ceux qui les promeuvent: ces personnes mêmes qui sont les victimes de nos comportements, et qui sont pourtant ravies lorsque nous leur rendons visite en tant que touristes. Toutes ces personnes qui n’ont jamais pris l’avion (90% des humains tout de même), ces personnes-là mêmes qui nous idolâtrent alors qu’elles devraient pourtant nous en vouloir à mort de ruiner leur environnement par l’extraction de ressources et la déforestation — pour des choses non-essentielles à notre survie comme du chocolat et du café — pour ensuite leur fermer la porte quand ils ne peuvent plus vivre chez eux. Redéfinissons nos modèles, soyons soutenables, inspirons-nous tous de ceux qui le sont, retrouvons des vies simples et heureuses, où les troubles de l’anxiété causée par les réseaux sociaux ne sont plus la norme.
Car autant nous avons une influence aujourd’hui négative, autant cela signifie que nous pouvons avoir une influence positive à l’échelle globale. Chaque geste compte, que ça soit en valeur absolue ou en terme d’influence, et permet l’adoption de meilleurs comportements par et pour tous.