Conscientisation écologique: pas nécessaire ?

Cet article a été relu en partie par Mélusine Boon-Falleur, doctorante à l’ENS en Sciences Cognitives et co-fondatrice de chilli.



Nous sommes face à des menaces existentielles particulièrement pressantes: perte de biodiversité, changement climatique, dépassement de nombreuses limites planétaires. La situation est tellement grave que nous devrions tous changer immédiatement, et pourtant presque rien ne change. Pire, nous commençons à nous battre entre nous. Pourquoi ? Quelles pistes s’offrent à nous pour convaincre les autres de changer et atteindre des points de bascule sociaux? Et en quoi les dynamiques sociales peuvent-elles nous aider ? Sous quelles conditions la conscientisation aux enjeux et menaces liées est-elle souhaitable?


Pourquoi les gens conscientisés n’arrivent-ils pas à faire changer les choses ?


Ou autrement dit, que se passe-t-il en réalité pour que nous soyons si nuls pour convaincre les autres de changer, voire même simplement de les inciter à changer ?

Une personne conscientisée peut avoir envie de changer et pourtant ne pas agir. Il y a en effet certains freins très spécifiques au changement. C’est ce qui est défini comme l’ « intention-action gap » (ou intention-behavior gap), l’écart entre l’intention et l’action.

Au niveau de l'(in)action climatique/environnementale, les facteurs majeurs sont: le manque d’information quant aux problèmes et solutions liées, l’équité (« pourquoi devrais-je faire des efforts alors que d’autres ne font rien »), l’effort en tant que tel qui peut être un cout très important en fonction de sa situation (se déplacer à vélo vs en voiture en fonction de sa localisation), les bénéfices à pourvoir qui sont décalés dans le temps, peu perceptibles/compréhensibles et pas pour soi directement, et finalement l’aspect social (les normes et comment elles influencent nos croyances, ainsi que notre besoin de gérer notre réputation auprès des autres).

Tous ces facteurs sont abordés plus largement dans l’ensemble des articles sur ce site, mais nous nous concentrons ici particulièrement sur l’aspect social et nos mécanismes cognitifs pour inciter au mieux à l’action, qui comprend notre sensibilité innée aux normes, aux tendances associées et à la gestion de notre réputation.

Quel impact notre appareil social a-t-il sur nos croyances et nos comportements ?

En effet, au-delà de faits bien réels, nos croyances (les normes) sont aussi influencées par les dynamiques sociales, ou autrement dit, par ce que les autres pensent et croient. Notre cognition est incarnée, cela signifie qu’elle dépend fortement de notre environnement. Les croyances des autres et ce que nous pensons qu’ils valorisent influencent nos propres croyances et comportements (effet de conformisme social). Cela peut ainsi même nous mener à croire à des choses fausses (comme dans cette expérience célèbre de Solomon Asch).

Par exemple, on aura plus de chances de croire à des théories du complot comme une « terre plate » ou au climatoscepticisme (ou que la réforme des retraites est utile tout simplement) si les gens autour de nous y croient et que nous pensons que c’est important d’y croire pour être bien vu par eux. Nous adoptons ainsi plus facilement de nouveaux comportements et croyances si nous percevons qu’il y a des bénéfices réputationnels associés. A l’inverse, nous ne nous associons pas à des croyances ou des mouvements si l’on perçoit qu’il y a un coût réputationnel associé.

Mais pourquoi donc utiliser notre appareil social face à une telle menace ?

Lorsque nous sommes sensibilisés à ces enjeux, une réaction rationnelle intuitive potentielle sera d’interdire ou obliger les gens à certains comportements (ce que l’on ferait si quelqu’un voulait se jeter dans les flammes ou se mettait à lancer un cocktail Molotov sur une maison qui brûle). Pourtant, lorsque nous nous opposons de façon marquée vis-à-vis des pratiques et croyances des autres soit en les culpabilisant, en les critiquant ou en leur interdisant certaines choses (de façon volontaire ou non), nous nous attaquons directement à eux, à leurs droits et à leur égo, ce qui favorise le rejet, ou le phénomène de réactance. En effet, l’écologie à ça de néfaste qu’elle nécessite de l’abstention, de la sobriété, ce qui est donc perçu comme des diminutions de « liberté » lorsqu’on l’impose à autrui (« tu ne devrais plus prendre l’avion »).

S’opposer aux pratiques des autres de façon si directe et clivante, en générant de la réactance, risque de causer un autre type de dégât, de type réputationnel. Pourtant, maintenir notre réputation est extrêmement important pour nous, ce qui implique potentiellement à quel point ce contre quoi on se dresse est néfaste.

Pourquoi nous opposons-nous de cette façon ? Il se trouve que nous sommes averses à la perte (nous détestons perdre plus que nous n’aimons gagner), et une fois conscientisés aux menaces qui planent sur notre environnement, nous réalisons que notre existence même est en danger et que ce sont nos pratiques individuelles (et collectives) qui y sont pour beaucoup. Or, la théorie des perspectives de Kahneman nous dit que « nous sommes aussi téméraires face à la perte que prudents face au gain« .

Cela signifie que nous agirons de façon téméraire, que nous prendrons donc des risques, y compris des risques réputationnels en essayant coute que coute de faire changer les autres, quitte à nous opposer aux autres et à leurs pratiques, par exemple en les critiquant sur leurs actions (comme le fait de prendre l’avion) et en prônant des solutions comme « Il faut interdire les jets privés ». S’opposer aux pratiques néfastes est nécessaire, mais la façon de la faire est extrêmement importante.

Or, l’écart informationnel avec les personnes qui ne sont pas suffisamment conscientisées (ou avec celles qui sont soumises à des croyances contradictoires – climatoscepticisme par exemple) implique potentiellement plusieurs choses : qu’elles ne perçoivent pas la menace et en quoi elles y sont directement soumises (manque de disponibilité – détaillé dans cet article), et/ou qu’elles ne perçoivent pas l’impact de leurs actions/mode de vie, et/ou qu’elles perçoivent que leurs actions n'(aur)ont pas d’impact à l’échelle globale.

Les invectiver favorisera le phénomène de réactance mentionné plus haut. Si ces personnes ne sont pas conscientisées (tant à la menace que l’impact de leurs actions en valeur absolue), étant soumises à leur appareil social, elles auront besoin de percevoir qu’il y a des bénéfices réputationnels à l’adoption de ces nouveaux comportements vertueux.

Or, ce que la littérature scientifique nous dit c’est que nous avons potentiellement fait l’inverse et freiné le changement social :

«En favorisant des sanctions sociales de la majorité (Zane et al., 2016), en créant des stéréotypes négatifs (Bashir et al., 2013; Brough et al., 2016) et en façonnant des identités sociales exclusives (Kurz et al., 2020), il a même été avancé que les pionniers soucieux de l’environnement renforcent l’engagement de la majorité à l’égard des normes actuelles, préjudiciables à l’environnement, ce qui ralentit potentiellement le changement social.»

Bolderdijk & Jans, 2021


Que se passe-t-il en réalité avec ce phénomène de « réactance » ? Pourquoi est-il aussi néfaste ?

Si le mouvement écolo se comportait essentiellement de façon à faire culpabiliser les autres, j’aurais du mal à me promouvoir écolo, car j’y verrais un cout réputationnel associé – cela affecterait mon statut auprès des autres (et l’aversion à la perte porte aussi sur notre statut social évidemment). Or, la valeur d’une information (ou d’un comportement) est déterminée par sa source. En marquant mon adhésion par rapport à quelque chose que les autres ne valorisent pas, en marquant mon opposition de façon culpabilisante par rapport aux agissements et croyances des autres (renforçant l’image d’une écologie autoritaire et de stéréotypes négatifs), je ferais en sorte que les personnes en face ne me valorisent plus. Si la source est remise en question par ses pairs, tout ce qu’elle fera (ses comportements et informations partagées) sera également remis en question par ces personnes mêmes qu’elle cherche à convaincre. A ce moment-là, il devient impossible de convaincre qui que ce soit et cela empêche ainsi la propagation naturelle des comportements vertueux, de l’adhésion à l’écologie.

En effet, les normes sociales ont pourtant la capacité d’évoluer de façon exponentielle à partir de tendances créées par les minorités (Young, 2015 ; Mortensen et al., 2019). Mais pour y parvenir, nous avons besoin de tous les individus qui composent ces minorités, et celles-ci ont besoin de leur statut social pour être crédible auprès des autres qui ne sont pas conscientisés et/ou soumis à d’autres normes, pour faire percevoir qu’il y a des bénéfices réputationnels à pourvoir.

Si une personne met en jeu son statut en générant ce phénomène de réactance, c’est exactement comme si elle se mettait en « quarantaine », en opposition marquée vis-à-vis de la norme du groupe et elle ne sera plus écoutée, elle n’aura plus d’influence. Cela se rattache également au biais de groupthink (voir cet article pour plus d’explications). De nouveau, il est important et nécéssaire de se différencier de la norme néfaste, mais la manière de le faire importe.


Exemple de frein réputationnel : Vous achetez une nouvelle paire de chaussures que vous trouvez extrêmement stylée! Vous arrivez à l’école (ou sur votre lieu de travail) avec ces dernières, et au moment où vous rejoignez vos amis (collègues), l’un d’eux vous fait remarquer que vous avez les mêmes chaussures que la personne la plus détestée de l’école (de la boite). Et là vous vous dites « oh non je vais être associé(e) à cette personne, c’est pas possible. » Résultat: vous ne porterez plus ces chaussures. Comme vous le voyez, la valeur des chaussures (du comportement) est déterminée par celle qui les porte (la source). Si la source est « extrême » ou polarisante, les gens ne veulent pas être associés à elle et à ce qu’elle fait – il n’y a pas de bénéfice réputationnel perçu au fait de mettre ces chaussures – et n’adopteront pas ses comportements.

Quelles approches adopter par rapport à l’écologie dans ce cas ? Conscientiser ? Promouvoir les comportements et minimiser la réactance ?

Deux pistes (non-exclusives) sont en effet possibles. La première piste consiste à conscientiser la population pour que les personnes qui la composent prennent elles-mêmes les bonnes décisions, mais tout en conscientisant aux erreurs cognitives à éviter pour éviter la réactance ! Celle-ci est nécessaire pour s’assurer que les instigateurs du changement créent une tendance, un effet d’adoption et de conformisme social qui va dans la bonne direction (juste décarboner un système mortifère VS changer le système qui transforme tout ce dont nous dépendons en déchets). Mais dans cette idée de conscientisation, on comprend que nous n’arriverons jamais à conscientiser toute la planète, et que de plus, l’information ne fait pas spécialement changer.

La deuxième consiste à se servir de la base conscientisée pour faire émerger des normes vertueuses (comportements) efficacement et ainsi atteindre des points de bascule sociaux. Cela implique que beaucoup de gens changeront également sans nécessairement avoir conscience des raisons spécifiques derrière mais plus par souci de statut social.

Il se trouve que déjà aujourd’hui, la majeure partie des gens agissent de façon écologique non pas pour l’environnement mais par soucis de réputation : par exemple les (grandes) entreprises qui changent leurs pratiques environnementales (voire qui font malheureusement beaucoup de greenwashing) plus pour leur image que par conscience écologique. Il y a déjà ces couts réputationnels liés au fait d’agir contre l’environnement. (Malheureusement, notre système occidental de croissance est « designé » par défaut pour ne pas être écologique – voir « les limites à la croissance »)


En favorisant des bénéfices réputationnels, les personnes se promouvront ainsi d’elles-mêmes écolos, favorisant l’adhésion à des croyances et à des comportements vertueux. Les normes évoluant plutôt de façon exponentielle, cette deuxième option est efficace et pertinente, mais comment faire ?


Comment une norme émerge-t-elle dans ce cas ?


Il y a en réalité quelques conditions minimales à l’émergence d’une norme dans un groupe : sa visibilité, le rapport couts/bénéfices à l’adoption & la valeur de la personne qui l’adopte pour ceux qui y sont exposés.

Reprenons cet exemple mentionné ci-dessus avec les chaussures et la personne qui la porte, en supposant qu’aucun(e) ne porte encore cette fameuse paire « stylée » :

Cette même personne (appelons-là Juliette) dont nous parlions arrive donc chez ses amis et montre ses nouvelles chaussures. Il se trouve que Juliette est très appréciée de son groupe d’amies. Nouveau style pour Juliette, et une d’elles lui demande plus tard dans la journée « tu les as achetées où ? Elles sont cool en vrai! ». 2 semaines plus tard, cette amie arrive à l’école avec une paire similaire (pas exactement la même évidemment sinon ce serait moins cool). Nous voilà avec deux personnes dans le groupe exhibant ce nouveau style.

Vous vous doutez de la suite, progressivement le groupe adoptera potentiellement le comportement et donc les nouvelles chaussures. Ensuite, d’autres groupes qui trouvent Juliette et ses copines vachement stylées feront de même. Et d’autres ensuite et ainsi de suite! (D’autant plus avec les réseaux sociaux, c’est pourquoi nous avons de plus en plus une normalisation globale des styles vestimentaires entre autres.)

Que nous apprend cet exemple ?

La visibilité et l’adoption par une personne que l’on valorise signifie une adoption probable du comportement par le reste du groupe. Si Juliette a une influence sur plus d’une personne et convainc donc par son comportement par exemple deux personnes de porter ces chaussures (ce qui est probable vu que la visibilité et la valeur de Juliette ne s’arrête pas juste à son groupe d’amies), et que chacune crée un taux d’adoption similaire, il y a une forme d’adoption exponentielle qui peut se mettre en place.

Cela nous apprend également que comme indiqué dans la littérature scientifique, les changements sociaux sont souvent initiés par des minorités, qui ont donc la capacité de faire adopter des comportements et guider les groupes vers des points de bascule sociaux. La visibilité et donc parler de la tendance des normes des minorités permet en effet de créer un effet d’adoption massif et également des « prophéties auto-réalisatrices ».

Et si Juliette était arrivée en disant à ses copines, »VOUS DEVEZ METTRE CES CHAUSSURES ! », que se serait-il passé?

Ses copines se seraient dit « wow elle est trop bizarre, c’est mort je mets pas ces pompes ». En effet, la valeur de la source aurait été remise en question, entre autres par effet de réactance. Par conséquent, si Juliette ne se polarise pas vis-à-vis de ses copines et n’impose pas, elle se donne les meilleures chances de créer une nouvelle « tendance » de norme. Comme mentionné ci-dessus, les normes ne nécessitent que des taux d’adoption minoritaires (mais croissants) pour ensuite passer un point de bascule social et être adopté par le reste. Par contre si Juliette s’oppose et se polarise, elle en empêchera l’adoption – comme si elle était malade, atteinte d’un virus que les autres ne veulent pas attraper et qui cherchent donc à éviter Juliette et ses agissements. Juliette risque d’être mise à part.

Par ailleurs, si Juliette avait uniquement mis ses chaussures chez elle, elles auraient été invisibles pour les autres, elle n’aurait donc pas non plus eu d’influence (ignorance pluraliste). C’est le cas de beaucoup de comportements écologiques qui sont des comportements d’abstention (ne pas prendre l’avion, moins consommer,…). Malheureusement, le décalage informationnel entre les gens conscientisés et ceux qu’on cherche à convaincre ainsi que le fait qu’il s’agisse de personnes qui ne nous valorisent pas, nous matérialisons cette situation de Juliette qui gueule sur ces copines. Il n’y a pour les personnes que l’on cherche à convaincre pas de disponibilité quant à l’aspect moral de leurs actions, qui peut être renforcé par biais de confirmation et conformisme social.

Est-il possible de modéliser l’adoption de normes ?

Si l’on tient compte de la visibilité des chaussures (le nombre de personnes qui les verront sur Juliette en une semaine par exemple), et la valeur de Juliette en tant que « porteuse » de la norme, peut-on établir la « probabilité » qu’une personne adopte cette norme selon différents facteurs ? Peut-on également établir le « nombre » de personnes attendu qui adopteront ce comportement ? De nombreuses modélisations sont disponibles sur cette thématique – la dynamique des normes sociales -, sous formes de modèles, simulations, expériences en laboratoire,…

Par facilité et pour rendre les conditions de l’émergence des normes plus « compréhensibles », on peut établir le comparatif avec la propagation d’un virus. Dans ce sens, est-il possible d’établir – comme pour un virus – le fameux « R » d’une norme (vertueuse) ?


Normes & virus: similaire ?


Un virus est bien évidemment néfaste, là où une norme peut être bénéfique. L’évolution d’un virus, sa propagation, est pourtant très similaire à celui d’une norme, car ceux-ci suivent et se propagent au travers des bulles sociales, tous deux potentiellement de façon exponentielle, ce pourquoi le parallèle en devient intéressant et permet de mieux percevoir les bénéfices à pourvoir de nos actions !

Si quelqu’un devant vous présente des symptômes d’une maladie, vous aurez tendance à l’éviter. Tout comme si une personne est socialement à l’opposé de vos normes, vous aurez également tendance à l’éviter. Si une personne est malade et ne présente aucun symptôme, elle peut cependant propager la maladie sans qu’aucune réaction de protection ne soit matérialisée. Les réactions par rapport à la protection du vivant et par rapport à l’écologie quand elle devient « polarisante », seraient comme une forme de réaction « auto-immune » par présence d’anticorps. Mais dès lors qu’une personne est asymptomatique et que votre système immunitaire n’identifie pas le facteur pathogène de façon visible directement, le virus se propage sans que les personnes contaminées n’en aient conscience.

Comme un virus, l’écologie doit passer au travers des « anticorps » de la réactance, ce pourquoi l’on voit une écologie qui itère (qui mute) progressivement pour faciliter le changement social et dépasser les stéréotypes négatifs. Tout comme l’écologie n’est d’ailleurs pas « un seul virus » mais en réalité une multitude de variants.

« En challengeant le statu quo, les minorités donnent de la visibilité aux alternatives (Bollinger & Killingham, 2012), ainsi « infectant » graduellement les autres dans leur réseau social (Nardini & Rank-Christman, 2020). Finalement, ces alternatives peuvent être adoptées par la majorité et ainsi devenir la nouvelle norme sociale. » 

Bolderdijk & Jans, 2021


Ainsi, les personnes qui seraient le moins à même d’adopter des normes écologiques, seront celles qui ont déjà développé des « anticorps », comme les climatosceptiques et ceux qui voient les écolos comme étant un groupe « pas cool » par exemple. Est-il dans ce cas utile de se focaliser sur eux pour commencer ? Et de quelle manière devons-nous dans ce cas les approcher pour éviter les anticorps en place ?

Car en effet, dans ce contexte d’écologie, du à notre aversion à la perte (et donc notre désir de convaincre les autres de changer pour l’éviter), nous prenons des risques, et c’est ainsi que de nombreuses personnes sensibilisées se retrouvent à s’opposer par réflexe (comme lorsqu’on veut empêcher quelqu’un de lancer de l’huile sur un incendie), et donc à créer elles-mêmes la « quarantaine » (les fameux « khmers verts » ou encore l' »écologie punitive » – les stéréotypes négatifs). Il y a un frein à l’adoption naturelle des normes vu que chaque cas est directement identifié par ses comportements radicaux et est donc socialement mis à part par ses semblables (comme Juliette si elle impose à ses copines de porter les mêmes chaussures qu’elle).

On pourrait donc argumenter que pour favoriser l’adoption de comportements écologiques, être sensibilisé aux enjeux est potentiellement contre-productif, car génère potentiellement un réflexe d’opposition aux comportements actuels (normes en vigueur), en plus d’être extrêmement chronophage. Etre sensibilisé nous met automatiquement en « quarantaine » vis-à-vis de ceux que nous cherchons à convaincre (cf. citation plus haut de Bolderdijk & Jans).


L’information liée à l’écologie n’est donc finalement dans une certaine mesure peut-être pas nécessaire, là où l’objectif des écolos est uniquement de faire adopter des comportements vertueux, et pour cela, on sait que ce qui est efficace c’est de les adopter nous-même (pour ceux déjà conscientisés) de façon visible, sans les imposer, pour éviter la réactance et ainsi lancer l’exponentielle d’adoption dans la population (exactement comme vous le feriez avec votre nouvelle paire de chaussures ou votre bodywarmer Patagonia 😉).


Points de bascule sociaux & quarantaine : l’impact exponentiel de la diminution des couts


Pour illustrer l’impact de la propagation naturelle (exponentielle) des normes, voyez la propagation du COVID dans une société composée de différents groupes sociaux communiquant entre eux, selon une configuration comprenant une quarantaine pour respectivement 100%, 80% et 50% de la population :


100% des cas sont mis en quarantaine
80% des cas sont mis en quarantaine
50% des cas sont mis en quarantaine

Source: Simulating an epidemic (ces images sont utilisées à titre indicatif)


Il y a dans ce cas-ci une différence non-linéaire entre le fait d’avoir 80% des cas en quarantaine et 50% des cas en quarantaine. Cela signifie que chaque pourcent (ou chaque personne) qui ne se met pas en quarantaine elle-même nous rapproche de l’exponentielle en ne générant pas de réactance.

Cette configuration de « quarantaine » met également autre chose en valeur : l’accumulation d’une « norme » écolo exclusive, qui au lieu d’être dans la population pour faire changer les autres efficacement, est en-dehors de cette dernière en cherchant à imposer des comportements (cf. citation plus haut de Bolderdijk & Jans). Heureusement, cette écologie-là change progressivement, de plus en plus de gens s’interrogent sur les composantes sociales et cognitives du changement et comprennent que simplement invectiver ne fonctionne pas. De plus en plus, l’écologie « mute » et se crée de plus en plus inclusive et bienveillante entre les individus.

Tout comme on diminue une « quarantaine » d’écolos, on diminue le « point de bascule social », c’est-à-dire le nombre de personnes nécessaires pour embarquer le reste de la population. Il se trouve que ce point de bascule est entre autres déterminé par les « couts à l’adoption » de la norme, dont le cout social. Or, si le cout est trop important, si la proportion de gens nécessaires au changement est trop importante, l’adoption ne se fait pas, comme représenté ci-dessous via cette modélisation expérimentale dans le scénario « 43% ». Et comme exemplifié ci-dessous et ci-dessus, la diminution de seulement quelques % des couts (et donc du point de bascule) génère une différence exponentielle dans l’adoption.

Les minorités créent en effet des cercles vertueux (comme les premiers infectés d’un virus), jusqu’à l’obtention d’une “masse critique” qui définit le ”point de bascule social”, le moment où l’adoption prend une forme d’exponentielle (Centola et al., 2018, Andreoni et al., 2021).

Points de bascule sociaux équivalents à la proportion de la population nécessaire (Andreoni et al., 2021)


Cependant, il n’y a pas que des exponentielles positives : l’inertie et les boucles de rétroaction positives du système (du rendement du capital notamment – cf. « Les limites à la croissance ») signifient que la destruction du monde est littéralement exponentielle : cela signifie qu’il risque d’y avoir de plus en plus de nouveaux projets similaires quotidiennement si nous ne nous occupons pas de la prévention de ces derniers. Il nous faut donc des mécanismes exponentiels également pour contre-balancer : les normes évoluent justement de façon exponentielle, il s’agit donc là peut-être de notre meilleur atout. Et heureusement, il est de plus en plus mal vu de financer des projets pareils.

Il faut donc tant rendre visible les projets néfastes que la mise en place des solutions alternatives pour matérialiser ces exponentielles. Un exemple type de ce type de solution qui prépare concrètement le monde de demain et construit ce monde alternatif serait par exemple ce podcast de France Inter « Carnets de voyage« , qui met en lumière des projets sociaux et écologiques vertueux au travers des différents départements français. Rendre ces projets et actions concrètes visibles, crée une disponibilité, crée un conformisme social vertueux qui incitera d’autres à faire de même. De plus, la promotion de normes descriptives étant plus efficace que la promotion de normes injonctives pour inciter au changement (plus de détails dans cet article), c’est un réel atout à la transition. Il ne suffit pas de dire « il ne faut pas faire ça », car l’adoption se fait par ce qu’on fait, plus que par ce qu’on dit qu’il faut faire.

Dans cette idée de création de disponibilité vertueuse, on peut par exemple également rendre visibles les personnes faisant partie des ultra-riches qui se « convertissent » et/ou qui utilisent désormais leurs moyens pour faciliter la transition (comme par exemple Jean-Noël Thorel avec sa fondation).

Cependant, le vrai défi écologique réside plutôt dans le fait qu’il est difficile d’adopter les bons comportements dès lors qu’ils ne sont pas encore disponibles : il ne s’agit pas juste de gestes individuels (pourtant nécessaires), mais d’un système entier qu’il faut d’abord repenser, créer pour seulement enfin pouvoir être incarné et ainsi créer de l’adoption. (et en parallèle, participer à la déconstruction et à la transition de l’ancien système vers ce nouveau.)

On pourrait bien évidemment argumenter que ces systèmes existent déjà dans une certaine mesure, à des échelles locales, et qu’ils peuvent (plus facilement) être reproduits : le mode de vie de personnes comme Hélène Grosbois en est un bon exemple, tout comme les modes de vie de populations autochtones diverses à travers le monde qui dans leur perception, dépendent directement de leur environnement pour vivre, ce qui les incite à le protéger au mieux et à tout simplement vivre en accord avec le reste du vivant. Il y a également des très bons exemples de transitions collectives réussies avec des villages comme celui de Hungersheim en Alsace, voire de communes comme celle de Plessé en Loire-Atlantique.

La vraie question en devient : sommes-nous désormais assez pour s’atteler à ce défi gargantuesque (i.e. changer de système) et pour ensuite entrainer avec nous le reste de la population ?

Quels facteurs similaires y a-t-il encore entre écologie et virus et comment les utiliser et les optimiser pour créer une exponentielle comme celle représentée ci-dessous ? Comment faire changer Macron et tout son gouvernement par exemple ?

Nous n’avons en effet pas de précédent historique d’un changement radical de système qui se serait fait sans violence. Nous n’arrivons pas encore à nous représenter à quel point nous pourrions en réalité avoir un impact tellement plus massif que celui obtenu actuellement sur l’ensemble de la population. Continuons notre exploration pour tenter de maximiser nos chances d’y arriver.


Exponentielle obtenue en doublant la probabilité d’infection au Covid


Qu’est-ce qui détermine le taux d’infection d’un virus et sa capacité à se propager ? Qu’est-ce qui détermine son « R » ?


On peut noter comme facteurs pertinents pour un virus entre autres le nombre d’interactions sociales (ouverture sociale), la probabilité d’infection (vecteurs de propagation, potence du virus, capacité du virus à échapper au système immunitaire, absence de symptômes visibles) et la durée d’infection (pendant combien de temps transmet-on le virus ?). Focalisons-nous sur les deux premiers facteurs!


Distance & ouverture sociale : les « ponts sociaux »


1. Pas de limite d’ouverture sociale inter-groupes
2. Limite d’ouverture sociale inter-groupes


Comme vous le voyez ci-dessus (et comme exprimé dans cet article pour un cas plus concret avec un bel aéroport), dans une société composée de multiples classes et bulles sociales, si elles communiquent correctement entre elles, la vitesse de propagation du virus (ou des normes) n’est pas limitée et l’adoption est la même partout et en même temps (tous les petits carrés -ou bulles sociales- dans l’image 1 sont touchés par du rouge).

Le problème que vous voyez avec le cas comprenant une limite d’ouverture sociale, est que certains clusters entiers ne sont pas inclus dans la nouvelle norme (en jaune sur l’image de droite). On voit dans ce cas-ci que la propagation est plus lente, et que l’adoption de comportements vertueux l’est par conséquent aussi. Bien entendu, vous comprendrez assez facilement que ces groupes en jaune sont ceux qui… polluent le plus!

Il faut ici prendre en compte que les personnes qui feront changer les gens en jaune sont ceux qui sont probablement les plus proches de ces bulles (les « ponts sociaux ») et qui sont valorisées par ces dernières (« la valeur d’une information est déterminée par sa source »). Ce n’est donc peut-être pas spécialement le rôle des « activistes » par exemple de convaincre les « jaunes » (je les appellerai comme ceci par facilité) eux-mêmes, mais bien de miser sur ces « ponts sociaux » pour promouvoir eux-même l’écologie auprès de ces derniers.

Peut-être les jaunes seront-ils plus réticents (un système immunitaire plus résistant), mais au moins cela nous donnera les meilleures chances qu’ils changent. Pour les activistes, il faut donc au mieux faire percevoir que leur combat est juste pour embarquer les différentes bulles et ponts sociaux, et ainsi embarquer les derniers résistants.

Il y a bien évidemment des freins différents selon les profils et les groupes, comme des « anticorps » différents selon la population, ce dont il faut tenir compte. Car face aux menaces environnementales, là où les personnes plus « pauvres » perçoivent qu’ils ont une vie à perdre, ce que les plus riches risquent de perdre et ce dont ils dépendent le plus (selon leur perception), c’est premièrement de l’argent. Cela induit directement un effet d’amorçage au niveau monétaire, là où la simple mention d’argent modifie de façon conséquente et inconsciente les comportements, inhibant les comportements prosociaux et altruistes. Il est important de saisir l’ampleur des dégâts possibles dans une société qui est façonnée par l’argent.

Ensuite, comme l’illustre Kahneman dans sa théorie des perspectives (téméraires face à la perte), cela induit une prise de risques pour défendre leurs intérêts (exemples: techno-solutionisme et la potentielle utilisation d’armes de guerre dans les manifestations anti-bassines). L’objectif est donc pour nous autres communs des mortels, de montrer à ces personnes en situation de perte qu’elles ont tout à y gagner en changeant (les mettre dans une situation de gains probables – réputationnels entre autres – pour les rendre plus prudents et moins téméraires), et de les sortir du prisme monétaire pour faciliter les comportements altruistes, emphatiques et raisonnés.

Difficile évidemment, et qui va donc les convaincre ? La force de ce modèle d’influence exponentielle, réside dans le fait qu’il peut aller extrêmement vite, et qu’en influençant certaines personnes de votre entourage, ces dernières pourront elles-mêmes convaincre d’autres et ainsi les plus riches de changer et d’aider autour d’elles. L’influence normative, bien que non visible, non perceptible est significativement sous-estimée par l’humain (Schultz et al., 2007; Nolan et al., 2007), et est rendue possible (et visible) par ces modèles et papiers. Au plus vous avez une ouverture sociale élevée, au plus vous avez un potentiel de changement croissant (comme un « super-spreader » du COVID).

En prenant l’image ci-dessous comme exemple, vous y voyez Mbappé (parce que Thomas Wagner – fondateur de Bon Pote – l’aime bien), et que Thomas – tout comme moi avec d’autres personnes – est victime de ce désir de prendre le raccourci direct pour le convaincre d’influencer sa communauté ! Raccourci qui ne fonctionne évidemment pas (le fameux effet de possibilité décrit par Kahneman nous pousse à croire que oui), vu que « la valeur d’une information est déterminé par sa source », et que la majeure partie de la communauté de Mbappé n’est peut-être pas (assez) conscientisée, ou en tout cas Mbappé le pense peut-être du au phénomène d’ignorance pluraliste qui nous mène à sous-estimer la prévalence d’une norme (un très bon exemple avec cette étude). Kylian n’a donc pas envie non plus de mettre à risque son statut social.

En effet, la meilleure personne pour convaincre Mbappé, ce n’est peut-être pas Thomas – vu que Kylian ne le valorise pas en tant que source -, mais probablement un de ses proches, son entourage donc, qui lui valoriserait le travail de Thomas. Tout comme pour Macron ou Pouyanné, cela illustre le fait qu’il n’y a pas de raccourci aux normes sociales, il faut inclure tout le monde. Et là où on est persuadé que ça va lentement et que c’est inefficace, et bien non, ça peut aller très vite.


La comparaison de virus épidémiques (exponentiels avec un R>1) et des normes sociales


Probabilité d’infection

Probabilité d’infection = 20%
Probabilité d’infection = 10%


En passant d’une probabilité d’infecter quelqu’un de 10 à 20%, on arrive à créer une exponentielle ultra-rapide en un temps record!

Pour en arriver là, il faut plusieurs choses. Premièrement, faire attention à éviter d’activer une réaction auto-immune chez les gens que vous cherchez à convaincre en évitant la réactance, et donc ne pas compromettre la valeur de la source (sa crédibilité). En effet, en cherchant à faire trop bien, nous avons réduit temporairement ce pourcentage en prenant trop de risques face à la perte. Une modification subtile de stratégie s’impose donc pour éviter de se tirer des balles dans les pieds.

Deuxièmement, en termes de probabilité d’influence, les facteurs significatifs pour les normes sociales – et donc l’adoption de comportements vertueux -, il s’agit simplement d’augmenter leur visibilité. Une étude a pu démontrer que de rendre visible un comportement a pu tripler son adoption, de façon à même dépasser les incitations monétaires (Yoeli et al., 2013; Shrum, 2021; Global Tipping Points Report, 2023).

Exemple: Prenons à nouveau cette personne qui porte des chaussures. Si ces dernières sont visibles (ce qui est généralement le cas) et que vous trouvez que celle qui les porte est cool (ce qui sera le cas si elle ne se polarise pas trop vis-à-vis des autres), et bien vous les porterez aussi (probablement), ou un modèle similaire.

Au plus vous êtes cool, et au plus le comportement est visible, au plus vous favorisez l’adoption. (Il y a cependant bien évidemment un arbitrage à faire entre « montrer » un comportement et « l’afficher » de façon exubérante)


Destruction de l’environnement exponentielle : quels risques et quelles actions ?


Alors oui, ce passage-ci est un peu paradoxal avec le titre, mais si vous êtes ici, je suppose que vous êtes déjà conscientisé, donc j’en profite maintenant que vous avez plein de leviers à votre disposition ! Car un autre facteur moteur extrêmement puissant, c’est bien la peur.

En effet en parlant d’exponentielles, ce dont moi j’ai particulièrement peur, c’est des changements que nous avons infligés (et continuons à infliger) à notre environnement, et de voir que les conséquences s(er)ont elles aussi exponentielles. Comme l’indique le dernier rapport « Global Tipping Points », les points de bascule sont désormais passés de « peu probables et très impactants » à « très probables et très impactants ». Nous n’en sommes qu’au début, mais au plus tôt nous agissons, au plus de bénéfices nous en retirerons (de façon non-linéaire !). Car oui, le meilleur moment pour agir c’était il y a 40 ans, mais le deuxième meilleur moment, c’est maintenant.

Voyons ça avec le graphe suivant, issu de la même source. Celui-ci est utilisé dans la vidéo pour voir l’impact de la propagation du COVID suite à une intervention de diminution des bulles sociales. Dans un contexte de destruction du vivant et de changement climatique, ces graphes nous servent donc à voir l’impact des mécanismes de sauvetage selon le timing (c’est une approximation relative vous vous en doutez):


Covid: mise en place de la réduction des bulles sociales à partir de 100 cas (gauche) et 50 cas (droite)


Vous voyez que dans le cas du COVID ci-dessus, le moment auquel nous agissons pour limiter la contamination définit clairement à quel point l’exponentielle prendra son essor et donc que au plus tôt nous agissons, les bénéfices que nous en retirons sont également exponentiels!

Nous avons pourtant du mal à nous représenter des évolutions exponentielles dans nos vies, tellement ça peut aller lentement au début et s’enchainer rapidement ensuite. Nous ne sommes d’ailleurs absolument pas prêts à ce qui risque de nous arriver, tout comme nous sous-estimons l’influence que nous avons et les changements positifs que nous pouvons créer.

Pour un peu mieux imager et se représenter la chose, ce que nous voyons aujourd’hui en terme de destruction correspond approximativement à ceci:


Évènements et catastrophes vécues jusqu’à aujourd’hui


Ce qui nous attend c’est ça si nous n’agissons pas (et nous pouvons agir!):


Évènements et catastrophes futures en cas d’inaction


Il s’agit en effet du même graphe, seulement pris sur l’entièreté de la temporalité. Heureusement via les normes sociales, nous avons les moyens d’aligner une très bonne part de l’humanité sur des objectifs d’entre-aide, de solidarité et de restauration du vivant.

Malheureusement ces exponentielles sont présentes un peu partout dans notre environnement :

Le nombre de catastrophes naturelles dans le temps
Ed Hawkins (climatologue et auteur principal du GIEC) via X (Twitter)

Nombre de genres (regroupements d’espèces) disparus (Ceballos & Ehrlich, 2023)


Comment se représenter cette destruction exponentielle correctement pour nous-mêmes? Et surtout comment se représenter ce que nous avons à gagner ?

Pour cela, rien de tel qu’une petite analogie!


Prenons l’exemple (fictif) de Joe, victime des attentats du 11 septembre:


Tout comme les personnes présentes dans le World Trade Center en 2001, ils ne s’imaginaient à aucun moment ce qui allait leur arriver en s’asseyant à leur bureau ce mardi-là.

Le matin même de ce fatidique 11 septembre, Joe prend sa voiture pour se rendre au travail. Fatigué (parce qu’il n’y avait plus de café chez lui et qu’il doit être au bureau à 7h aujourd’hui), il se met en route.

BAM! Distrait, Joe a percuté la voiture devant lui, il n’a rien vu venir!… « NOOOOON, c’est pas vrai!! Ma toute nouvelle voiture, toutes mes économies, comment est-ce que je vais expliquer ça à Emma ?? C’est pas vrai!! »

Joe est en retard, il a perdu sa voiture, ses économies avec, et il doit se rendre au travail… Il arrive finalement à son bureau placé au 70e étage vers 8h et sait qu’il va passer une mauvaise journée et redoute déjà la soirée et les mois difficiles qui vont suivre… Pourtant, à aucun moment il ne se doute de ce qui va lui arriver à peine 40 minutes plus tard, quand l’avion touchera sa tour.

Joe devra choisir entre sauter par la fenêtre du 70e étage ou être anéanti vivant par les flammes. Sa voiture, il l’aura oubliée depuis longtemps. Avant de sauter, il pensera à sa femme, sa fille de 2 ans à la maison, et à ses parents.


La voiture de Joe correspond à nos préoccupations d’aujourd’hui sur le graphe représenté plus haut. Nous n’avons pas la moindre idée de l’enfer vers lequel nous nous dirigeons car nous ne l’avons jamais vécu, ni à quelle vitesse exponentielle il va arriver, et à quel point nos problèmes actuels nous paraitront si vite ridicules que comme Joe nous les oublierons. Allons-nous devoir mourir de faim, de soif et de maladies inconnues devant nos armoires remplies de vêtements en parfait état? Allons-nous voir des millions voire des milliards de personnes immigrer sur l’entièreté de la planète, tous à la recherche de quoi vivre? A quel point risquons-nous de finir les uns les autres ?

L’accélération de tous nos problèmes et l’arrivée d’une quantité inimaginable de nouveaux risque d’être si brutale et imprévue que nous ne comprendrons pas ce qui nous arrive. Vous en doutez, c’est normal, moi aussi, mais le Covid que personne n’avait prévu c’était 2% de morts. Imaginez la même chose sur le vivant: en un coup plus de nourriture, plus d’eau, et avec 15 ou 20% de morts cette fois-ci, qui favoriseront l’arrivée d’autres pathogènes,… Nous ignorons notre ignorance, nous n’avons jamais connu ce cumul de destruction simultané sur cette planète.


MAIS, si Joe avait entendu parler de ce qui se tramait, s’il avait su qu’il n’était pas impuissant face à cette catastrophe, qu’aurait-il fait ? Et nous ? Que pouvons-nous faire ??


Revenons donc en arrière et créons un autre futur pour Joe :


Nous sommes le 20 aout 2001, et Joe est chez lui devant son ordinateur personnel. Joe adore s’informer sur des sujets diverses et variés, il est particulièrement fan d’espionnage et des mouvements terroristes. Il parle d’ailleurs couramment arabe, sa mère étant originaire de Jordanie. Après deux ans de recherche, et à force d’essayer d’en apprendre plus, il a réussi à rentrer dans des groupes secrets en ligne liés à Al-Qaeda. Ces dernières semaines, ils mentionnent de plus en plus souvent l’arrivée de héros, que les choses sont en train de bouger, que quelque chose de grand arrive. Joe a beau avoir de plus en plus de connaissances, difficile de savoir de quoi ça parle.

Cette fois-ci, plus question de jouer, ça a l’air trop sérieux, ce « hobby » devient hors de contrôle, il faut prendre contact avec les agences pertinentes et tout leur expliquer. […] Joe, grâce au savoir qu’il a acquis, grâce à ses décisions et sa patience ainsi qu’avec les instances de sécurité des Etats-Unis, à réussi à éviter une catastrophe!! Nous sommes le 12 septembre 2001 et les tours sont toujours debout. Joe a réussi à sauver des milliers de personnes et a pu rentrer chez lui, sans sa voiture, mais ça au final ce n’est pas si grave.

Qu’en est-il de nous ? Pouvons-nous déjouer cette destruction exponentielle ?

Comme Joe dans son futur alternatif, nous avons aujourd’hui toutes les cartes en main. Tout ce que nous ferons à partir d’aujourd’hui aura un impact significatif. Mais pour cela, comme Joe l’a fait, nous devons être patients et plus intelligents que d’habitude, car nous devons absolument éviter de faire pire en cherchant à faire mieux.

Comment agir ? Comment éviter les réactions auto-immunes? Comment accélérer les prises de décisions vertueuses de l’entièreté de la société en un temps minime ?

Pour tout cela, il va falloir commencer par s’informer sur ces mécanismes cognitifs ainsi qu’aux solutions viables pour notre planète. Ensuite, partager et changer selon vos possibilités. Pour cela, j’ai dédié mon temps à l’écriture des articles sur ce site, qui constituent un mode d’emploi pour faire changer notre société – du plus petit au plus grand échelon.

Je vous invite à lire le reste de la série et principalement « La maison brûle : on s’y met ou pas? » (le lien du suivant est à chaque fois donné à la fin de l’article). Comme pour Joe, vous et moi avons le potentiel de réécrire le futur qui se dessine, un futur où nous sommes toujours debout.


La suite: Les entreprises et gouvernements peuvent-ils changer aussi ? Que faire face à l’inertie du système ?


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